samedi 16 juillet 2011

Joëlle Tuerlinckx @ Christian Nagel, Berlin

Visite et émerveillement à l'exposition de Joelle Tuerlinckx, Geologie einer Arbeit. New and Old Paper-Assemblage in einer Kurzen Orangen Retrospektive von Joelle Tuerlinckx, pour les malheureux qui ne connaissent pas encore cette immense artiste, belge, née en 1958, héritière de Filliou et d'une grande maitrise dans l'art de l'installation, déployant des trouvailles, gestes généreux et interconnexions plastiques à 360° dans tout l'espace, dans une galerie disposée comme une vitrine. Ici elle joue de murs tapissés d'une trame de briques imprimée sur papier fluo orange qui bave et irradue sur toute la colorimétrie ambiante. Le regard rebondit dans ce nuancier de gris, marron, orange et blanc, entre objets, images, textes, signes, trames, matières, vraies ou simulées. Le bureau de la galerie est empli sur tout un mur de collages-documents-images-pliages jouant avec tous les éléments matériels de l'objet encadré (remarquez le cadre tordu sur la 6e image, les aimants collés sur les photos contrecollées sur alu, les indications fictives d'échelles, le bleu de travail laissé près de la porte, etc ...). Elle fournit ici des idées pour s'amuser dans l'atelier pour qq années encore. Sur la question de l'événement artistique (où? comment ? à quelle échelle?), sur la rupture entre les causes et les effets, sur l'oeuvre comme fragment ou comme ensemble, comme geste ou comme trace... Une exposition comme on devrait en voir plus souvent,et on attend toujours une expo d'elle à Paris ...


Cadeau (fermé)

Man Ray, l'énigme d'Isidore Ducasse (1920, refait en 1972)




Tucker Nichols, sans titre (IN37547), 2010




Paquet cadeau pour BH, 2011





Jan Arp, avant ma naissance, 1914





Hanneline Rogeberg, Balzac 1, 2008




Claudio Bravo, pink & yellow package, 2000's (attention peinture hyper réaliste!)






Tauba Auerbach, untitled fold painting, 2010




Lisa Williamson Hurdle, Club Foot Chooses Pajamas, 2010



Rachel Foullon, there was at this time no specific room for sleeping in, 2010




Kacere, Judy, 1982




Claudio Bravo, White package, 2006




Robert Melee, table top, 2008

a suivre pour l'ouverture des paquets ...

Cadeau (ouvert)

La suite du précédent post ... ouverture des cadeaux ...



Rauschenberg, Short Circuit, 1955. Cette oeuvre est comme un retable qui contient des oeuvres d'amis que l'artiste voulait présenter dans un salon annuel où leurs oeuvres avaient été refusées : Susan Weil, son ex-femme, Jasper Johns, son nouvel amant, un collage de Ray Johnson + un programme de concert de john Cage et un autographe/la signature de Judy Garland. La pièce de Johns a été vendue séparément plus tard et est aujourd'hui remplacée par une copie réalisée par Sturtevant.



Richard Tuttle, boys, let's be bad boys


Emmanuel Lainé, promptuaire, 2008




Robert Aldrich, If I Paint Crowned I’ve Had It, Got Me, 2008


Scott Lyall, The Color Ball, 2008 détail



F E Walther, Hal 2 Holz Slocke, 1969


Helio Oiticica, bolide 11, 1964



Joe Zucker, vesuvius, 2003 (diptyque, couvercle - vue intérieure- et fond en bois)

Points de Vues Assis

Sont réunis ici quelques vues d'expos ou d'oeuvres, croisées récemment en live ou sur internet, mettant en scène la place du spectateur dans des installations/dispositifs de visions pénétrables ou non, pour voir et comparer ...



Jordi Colomer, arabian stars, vue d'expo, Galerie Michel Rein 2005




Rachel Harrison & Scott Lyall, Schnitte im raum, exposition Sculptural Collages au Museum Morsbroich, 2011


Michael Riedel, exposition chez Michel Rein, 2010




Nikolas Gambaroff, exposition à Balice Hertling, 2011



Théa Djordjadze, sans titres, 2011 (chez Sprüth Magers Berlin)




Jon Pylypchuk, exposition à Alison Jacques, 2009




Sarah Tritz, du fauteuil de mon roi rose, exposition chez Anne Barrault, 2011





Tom Burr, gravity moves me, 2011



Charlie Jeffery, le bureau de l'association Au bout du plongeoir, Tizé 2010



Kees Van Dongen

Retour de visite de l'exposition Kees Van Dongen au MAMVP et prises de notes ...



Kees Van Dongen, portrait d'une Zélandaise, 1898







Kees Van Dongen traite de l'apparition des corps dans les images et même de l'apparition des corps en général. Un corps joue avec un autre. Le corps dans l'image joue avec le corps de celui qui le regarde. Et ce jeu n'est uniquement possible que dans un terrain de jeu aux règles non dites, mais perceptibles : celles de la matière qui rend les corps visibles les uns aux autres : ici la peinture. Le pinceau et les pigments dans l'huile déforment autant les corps représentés que ces derniers manipulent et informent le geste de celui qui les peint.



Pour être plus précis encore, on peut dire qu'on a affaire à des personnages plutôt qu'à des corps et à des images plutôt qu'à des peintures. KVD expose un théâtre des corps sur la scène du social et de l'imaginaire. D'où son intérêt/ talent principal pour le portrait et pour le cirque ou le music hall; aussi bien du côté des spectateurs que de la scène et des coulisses. Il peint des personnages en images, images qui produisent de la pensée et des indices sur cette étrange chimie humaine.







Van Dongen, la jarretière, 1905






Dans ses meilleurs toiles, il conjugue présence des personnage, jeu avec sa palette, la lumière (saturée, blanche) et des compositions (ou des cadrages) suffisament étranges et singuliers pour transformer l'ensemble en une sorte de hiéroglyphe, d'énigme. Il peint des postures de corps qui fonctionnent de façon abstraite comme des Sphinx, clés cryptées de la rencontre et du désir entre le peintre et son modèle. Position des bras, place de la tête dans le cadre et sous la lumière, regard figuré et taches pateuse à la Van Gogh très localisée.





Van Dongen, femme au chapeau de roses





Ainsi en voyant l'exposition, j'ai pensé à de nombreux peintres, que je connais plus ou moins bien, des années 80 : David Salle et Eric Fischl mais aussi Robert Longo ou Cindy Sherman qui traitaient du même sujet avec d'autres moyens. On peut d'ailleurs dire que KVD n'est pas resté un bon peintre longtemps car il aurait du logiquement adopter les moyens actualisés de son art, la photo pop en couleur, la publicité, ou du moins le corps dans l'imagerie populaire (voir Picabia). Mais il s'agit là d'une question plus vaste, qui est celle qui a vu la peinture quitter l'europe dans les années 50 vers les Etats Unis, alors que chez nous les De Stael, Fautrier, Dufy, Léger ou d'autres étaient développés et actualisés par des Warhol, Lichtenstein, LeWitt ou Pollock entre autres. Question de statut social et d'absence de connection sociologique et symbolique entre la culture aristo des peintres d'ici tels Van Dongen et la culture pop/image du spectacle. KVD traite de cela, d'un corps qui s'expose, d'un corps en spectacle, donc travesti, grimé, déformé par la lumière du désir et des règles du populaire/de la foule avide de corps a voir.



Steven Shearer, as a boy, 2006



Van Dongen, femme rattachant son jupon, 1902-03



John Currin, mademoiselle, 2009








Van Dongen, Nini 1909







Bref, KVD, par son talent (ses cadrages, certaines compositions (la façon de placer le corps dans le rectangle du regard) et ses drôles de tendances de la touche (floues et cotonneuses en rythmes verticaux all-over répétitifs de façon localisé, soit sur les robes ou sur les arrières plans) joue avec les styles et le temps, avec notre vision très darwynnienne et vingtièmiste de l'art, désormais dépassée. Il pratique une sorte de post-impressionnisme tardif (en plein cubisme qu'il connait), tendance rigolard et urbain, revenu des campagnes et banlieues de ses ainés, quittant la vue d'ensemble du paysage pour des portraits en pieds et des lumières électriques, alors nouvelles, de la ville, quittant le calme et la profondeur de l'instant au soleil pour la fête, le vif, l'artifice, la torsion et disparition/apparition des corps dans la foule et l'électricité. Il glisse via le dessin et la caricature assez réjouissante vers l'expressionisme qu'il ne pratiquera pas vraiment. Il mèle une palette colorée fauve, nabis, Klimtienne parfois, donne dans un flou cotoneux (à partir de 1907) proche de Matisse ou des premiers Kandinsky mais sans l'alibi folkloriste ou paysan. Un peu comme du Watteau pop et bad painting. Comme s'il avait déréglé la focale impressionniste qui laissait voir les touches pour faire le point sur les traits et points saillants, multiples et mouvants d'un corps en scène, une mise au point sans cesse perturbée, avec pertes et abhérrations. Puis lorsqu'il pratique le portrait de commande en pied, grand format, plus rien ne bouge ni ne fuit, le face à face est neutralisé par le cadre social, chacun joue son rôle sans beaucoup d'échanges.






David Salle, Hitch hickers, 2011






Van Dongen, autoportrait en Neptune, 1922




Glenn Brown, le grand masturbateur, 2006






Il circule dans le temps et les touches/traces d'époques un peu comme Picabia ou De Chirico (en beaucoup moins bien c'est certain) et en mieux que Buffet. A la fois abstrait par endroit, impressionniste déchu, parfois fauve, finement caricatural et pré-photographique, pompeux et tendre, bref il se sert du passé récent de l'art de la peinture comme d'une garde robe. En cela, il est très post-moderne! KVD est finalement un peintre de la relation à l'autre, un peintre du choc des corps plutot que des idées sur l'art et la peinture, c'est sa faiblesse (pas de traités, manifestes ou leçons sur l'art) mais aussi son intéret maintenant que nous sommes après la bataille des idéologies de l'art (abstrait, pur, etc...)






Cindy Sherman, sans titre #112, 1982





j'ajoute ce lien trouvé récemment, vers painting people, livre sur la peinture récente focalisée sur le portrait ...