On s'intéresse, dans l’art
contemporain en ce moment, aux artistes bruts ou depuis quelques années au
document (à tout ce qui relève de schémas scientifiques ou techniques
pré-modernes) et on arrive donc bienheureusement à ré-évaluer/regarder aussi des artistes
négligés par le Louvre ou les historiens d’art officiels, ces naturalistes (et
qui plus est, dans ce cas, une femme), entre art, vulgarisation et science, telle
que Maria Sybilla Merian (1647-1717), qui, tout comme Pierre-Joseph Redouté ou Ernest Haeckel (pour
les plus connus), ont dessiné et (fait) graver. J’ai découvert cette artiste cet été en Allemagne :
le même jour par un livre sur les étagères de K.S. et dans une librairie par cet ouvrage récent édité chez Hatje Cantz.
Merian travaille
l’œuvre multiple destinée au marché de la gravure et de l’édition, pour les
collections royales ou privées. Cet art est celui de l’ère des Lumières ouvert par
la Renaissance : on s’y émerveille de la Création, on observe et décrit avant
de classer et d'indexer le monde entier. Cet art - et le parcours biographique de
Merian en est le fruit - bénéficie évidemment de la colonisation (et du
commerce international) et de l’avancée des sciences (de l’optique en particulier).
Elle aura voyagée elle-même pour préciser ses images (elle « zoome »
par bateau à travers l’espace du globe) au risque des maladies et des
considérations de ses contemporains.
Ce qu’il nous en
reste aujourd’hui, ce dont on peut en hériter donc, réside dans la finesse du
regard qui, à partir du réel observé, en milieu naturel, en mouvement, DEGAGE,
EXTRAIT des formes, et invente donc (sa précision scientifique est discutée mais
peu importe) ce qui est montré en le désignant et en le mettant en scène :
par ses choix de cadrage, de différents moments de floraison, éclosion, développement
(avec donc des aspects proto-chrono-photographiques) de l’insecte ou de la
plante, par la façon de trancher/pénétrer/voir en coupe (ce côté anatomiste et pornographique
de la science occidentale), par son art de la mise en page (jeu des vides et de
composition) et au travers de son art de coloriste, de contrastes et variations et puis
finalement et surtout par la richesse des formes et leurs emboîtements (comme
chez Anna Zemankova ou Jessica Stockholder).
Ce travail visuel
nous parle mieux aujourd’hui après avoir vu les dessins de plantes d' Ellsworth Kelly,
les multiples inspirations végétales (ou mécano-morphiques) des surréalistes
tels que Ernst, Klee et Picabia ou la peinture hyper réaliste de Jean Hucleux ou même les peintures de De Kooning
ou Arshile Gorky ou Georgia O'Keeffe. A la différence des natures mortes hollandaises qui mettent en scène
la fleur dans une image, elle met en page la fleur sur la feuille blanche, déjà
moderne (ou japonisante) faisant cohabiter l’illusion ET les moyens de l’illusion
sur le même plan. Le spectateur devient observateur (nuance importante) et
observe autant le trait que le sujet représenté. Donc absolument figuratif ET
abstrait à la fois. Le vivant devient un théâtre : la tige courbée, le papillon séducteur, l'animal parade, la chenille prend la pose, le pastille s'expose ...
Internet regorge
de ses reproductions, malheureusement rarement accompagnées de légendes, avec
mes excuses donc pour ce post léger en informations. Je conseille fortement de zoomer dans les images pour vraiment les VOIR (à défaut des originaux).
Portrait de MS Merian par Esther Barbara von Sandrart |
1 commentaire:
very gorgeous indeed.
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