vendredi 23 août 2013

Maria Sibylla Merian

On s'intéresse, dans l’art contemporain en ce moment, aux artistes bruts ou depuis quelques années au document (à tout ce qui relève de schémas scientifiques ou techniques pré-modernes) et on arrive donc bienheureusement à ré-évaluer/regarder aussi des artistes négligés par le Louvre ou les historiens d’art officiels, ces naturalistes (et qui plus est, dans ce cas, une femme), entre art, vulgarisation et science, telle que Maria Sybilla Merian (1647-1717), qui, tout comme Pierre-Joseph Redouté ou Ernest Haeckel (pour les plus connus), ont dessiné et (fait) graver.  J’ai découvert cette artiste cet été en Allemagne : le même jour par un livre sur les étagères de K.S. et dans une librairie par cet ouvrage récent édité chez Hatje Cantz.
 
 

Merian travaille l’œuvre multiple destinée au marché de la gravure et de l’édition, pour les collections royales ou privées. Cet art est celui de l’ère des Lumières ouvert par la Renaissance : on s’y émerveille de la Création, on observe et décrit avant de classer et d'indexer le monde entier. Cet art - et le parcours biographique de Merian en est le fruit - bénéficie évidemment de la colonisation (et du commerce international) et de l’avancée des sciences (de l’optique en particulier). Elle aura voyagée elle-même pour préciser ses images (elle « zoome » par bateau à travers l’espace du globe) au risque des maladies et des considérations de ses contemporains.
 
 
 
 
 
 
Ce qu’il nous en reste aujourd’hui, ce dont on peut en hériter donc, réside dans la finesse du regard qui, à partir du réel observé, en milieu naturel, en mouvement, DEGAGE, EXTRAIT des formes, et invente donc (sa précision scientifique est discutée mais peu importe) ce qui est montré en le désignant et en le mettant en scène : par ses choix de cadrage, de différents moments de floraison, éclosion, développement (avec donc des aspects proto-chrono-photographiques) de l’insecte ou de la plante, par la façon de trancher/pénétrer/voir en coupe (ce côté anatomiste et pornographique de la science occidentale), par son art de la mise en page (jeu des vides et de composition) et au travers de son art de coloriste, de contrastes et variations et puis finalement et surtout  par la richesse des formes et leurs emboîtements (comme chez Anna Zemankova ou Jessica Stockholder).
 
 

Ce travail visuel nous parle mieux aujourd’hui après avoir vu les dessins de plantes d' Ellsworth Kelly, les multiples inspirations végétales (ou mécano-morphiques) des surréalistes tels que Ernst, Klee et Picabia ou la peinture hyper réaliste de Jean Hucleux ou même les peintures de De Kooning ou Arshile Gorky ou Georgia O'Keeffe. A la différence des natures mortes hollandaises qui mettent en scène la fleur dans une image, elle met en page la fleur sur la feuille blanche, déjà moderne (ou japonisante) faisant cohabiter l’illusion ET les moyens de l’illusion sur le même plan. Le spectateur devient observateur (nuance importante) et observe autant le trait que le sujet représenté. Donc absolument figuratif ET abstrait à la fois. Le vivant devient un théâtre : la tige courbée, le papillon séducteur, l'animal parade, la chenille prend la pose, le pastille s'expose ...
 







 
 
Internet regorge de ses reproductions, malheureusement rarement accompagnées de légendes, avec mes excuses donc pour ce post léger en informations. Je conseille fortement de zoomer dans les images pour vraiment les VOIR (à défaut des originaux).
 
Portrait de MS Merian par Esther Barbara von Sandrart
 

1 commentaire:

charlie Jeffery a dit…

very gorgeous indeed.