A l'occasion de Future funk Fashion,
une rétrospective consacrée par le Museo del Barrio (New York) à
Antonio Lopez (qui signait Antonio) illustrateur de mode des années 60, 70 et 80, voici
un post pour regarder ses croquis, dessins et peintures sous l'angle
d'un style pictural possible à l'égal de la peinture moderne et
contemporaine des musées. Il pratique l'illustration, donc un
travail d'abord graphique, dessiné, gestuel, synthétique, figuratif
mais qui m'apparaît comme une façon de décloisonner le regard et
les catégories (de l'art contemporain) pour nourrir du travail en
peinture et notre rapport à l'histoire des formes, pour remettre au
centre ce qui est encore trop en marge. Bien sur ça peut surprendre de voir
tout cela sur ce blog mais n'ayez crainte, c'est bon !
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Carol Labrie, NYC 1969, marker and color overlay |
Antonio Lopez est né
à Porto Rico en 1943, il arrive à New York à 7 ans, avec sa mère
couturière et son père fabricant de mannequins. Il étudie la mode
et le stylisme. Il travaille comme illustrateur pour de nombreux
magazine, au moment où la photo (Newton, Penn) commence à peine à
remplacer la mise en valeur et la communication visuelle dans la
presse. Ses illustrations de mode, de vêtements portés, représentés
et mis en scène sont publiés dans Vogue, Harper’s Bazaar, Elle et
la revue d'Andy Warhol, Interview. Il est au centre de la vie New
Yorkaise de la fin des années 70 et a également vécu et travaillé
à Paris avec son compagnon Juan Ramos (de 1969 à 1976), il y a
cotoyé Karl Lagerfeld, Paloma Picasso, Yves Saint-Laurent. Il dessine les
campagnes pour Missoni, Valentino, Versace et d'autres. Il meurt des suites du
virus du SIDA, en 1987.
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Pour Elle, 1967 |
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1973 |
Son iconographie donne une image/une
réalité visible à des corps entre deux genres, instables, il
invente réellement des corps possibles au travers de sa stylisation
des corps qui l'entoure, une clique de modèles et collaborateurs qui
vivent et travaillent ensemble : Juan Ramos, son compagnon et
fidèle collaborateur (plutôt directeur artistique pour les
accessoires, choix des vêtements et modèles, sources
iconographiques et manager, mort du SIDA en 1995), Jerry Hall,
célèbre top model des 70s (femme de Mick Jagger et modèle de
l'album de Roxy Music Siren), Grace Jones, Tina Chow et d'autres.
Corps rétro, corps androgynes, corps métisses, tout cela à la fois,
entre plusieurs époques/registres évoquées (années folles, lignes
d'épaules et de visages anguleuses de Grace Jones, peau noir et
cabaret provocant à la Josephine Baker. Concernant les hommes, il
utilise l'iconographie du biker comme érotisation masculine et gay
(à la suite de Marlon Brando et Kenneth Anger) plus ambiguë et
subtil que Tom of Finland.
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Maria Snyder, ItalianVanity, Versace, 1983, pencil, watercolor, gouache |
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Pat Cleveland, 1982 |
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Jerry Hall |
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Mr. Chow's Drawing, Paris III, 1973, Pastel on paper |
Ses images sont réalisés au
crayon, à l'encre, l'aquarelle et il utilise la photo aussi, non pas
des polaroids mais des Instamatics, appareil à l'optique
automatique, de poche avec Flash intégré. Il a aussi dessiné des
bijoux et chaussures et conçus des vitrines et décor de magasins
pour Fiorucci. Il a aussi réalisé une version illustré des 1001
nuits de Sir Richard Burton.
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Untitled (Shoes) vers 1970 |
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Untitled (Manuela Papatakis), 1974, Marker, collage, color pencil, and Instamatic photograph |
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de la Série des Instamatics |
Savourez donc son jeux de lignes
sinueuses, son goût du construit moderne et d'une imagerie pop datée
mais très singulière et au fond très archaïque, greffé sur la
culture de rue de NYC/les corps des quartiers latino et noirs. Goûtez
la tropicalisation du regard et des corps, le plaisir du corps a
devenir ligne et formes dans l'oeil de l'autre et de son désir.
Appréciez son utilisation du blanc, du fond vierge d'où la figure
émerge mais où elle disparaît, irradiée, happée, dissoute dans
une blancheur onctueuse par la façon dont se termine ses lignes.
Découvrez un temps parallèle au notre, une uchronie stylistique a
réinjecter dans l'histoire de l'art, dans l'histoire possible des
formes du corps. Il faut pouvoir regarder ces lignes comme des
peintures modernes, du matisse ou léger, mais d'un autre temps. Il
faut oublier le contexte qui a produit les images un instant pour
voir comment s'incarne le regard de Antonio Lopez. Son endroit est
celui où il est possible de figurer des corps dans l'art pendant que
celui-ci est rejeté hors de l'art, avec l'image en général, dans
les années 70. Pensez alors aux Chicago Imagists, à Robert
Heinecken, la Picture Generation, à Georgia O'Keeffe et Andy Warhol,
Gilbert & George ou même le Guston d'alors.
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Pat Cleveland, 1982 |
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pour Missoni, 1984 |
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Vogue Italie, 1981 |
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Illustration pour les 1001 nuits, 1986, Pencil, watercolor, gouache |
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pour Vanity 1983, Pencil, watercolour and acrylic on paper, 51 x 71cm |
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Pour Marpessa, 1980s |
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Grace Jones et Pat Cleveland |
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Portrait of Angelo Colon, 1982, Pencil, watercolor on paper |
Il faut voir là, la mise en scène des
éléments graphiques et picturaux, le jeux des couleurs juxtaposées
et non superposées, qui produisent, en 2 ou 3 couleurs, le modelé
et les reflets de surface. Remarquez aussi l'interaction libre du
trait, noir ou coloré, avec les surfaces, comme chez Dufy. Et
surtout voyez les corps se dissoudre et se prolonger dans le fond, la
couleur, le vêtement et son mouvement graphique. C'est, je crois,
son art de saisir et d'inscrire le corps en mouvement dans le cadre
qui me fascine, un corps qui tente de fuir le cadre, s'y
contorsionne, fuit déjà vers la prochaine image et la prochaine
pose. Le geste du dessin-peinture court après et échappe à
lui-même. C'est la main qui veut suivre le corps, qui le caresse et
dans avec à distance. Pour produire à la fin une imagerie pop non
mécanique et non dépersonnalisée (comme Lichtenstein qui vise
l'impersonnel de l'imprimerie). Pop à la main, médiatique
personnel, là où nous en sommes en fait avec nos recherches de
personnalisation des interfaces. Mais old school, d'un autre temps et
rythme, celui d'un face a face avec le corps et non avec sa photo. Ce
rétro peut être source d'un future en peinture, comme chez Allen
Jones ou Ella Kruglyanskaya. Pour défendre un art investi
libidinalement et sans chantage au sujet culturellement référencé
et intellectuellement validé.
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Motorcycle drawing |
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Norma Kamali Campaign, 1986, Pencil and watercolor on paper |
1 commentaire:
bonjour
je parcoure votre blog avec grand plaisir
mais pourquoi avoir choisi cette partition du texte en vert fluo illisible?
ceci est plus un mail qu'un commentaire (évident)
cordialement
Ian.
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