Une musique donc que je ne connaissais pas du tout mais que je peux entendre parce que mes oreilles de pop-fan et ma culture rock blanche issue de la tradition anglo-saxone des sixties m’a, en quelque sorte, préparée. Et à l’écoute de ce concert, agréable malgré un son assez difficile (trop d’aigus saturés), j’ai entendu de nombreux univers sonores que je connaissais qui traversaient l’ampli de guitare, les 2 voies (homme et femme) et le synthé de Group Doueh.
D’abord le Yamaha, joué assis, par un jeune type (ou est-ce l’inverse : le type joué par son Yamaha ?) qui semble se souvenir de basses roulantes, grondantes et galopantes de l’Acid house des premières années (Acid Thunder / le son de Chicago en 86-88 tel que sauvegardé sur la compilation Acid de Soul Jazz Records par exemple). Mémoire de machines synthétiques qui portent le souvenir de motifs qu’ils n’ont jamais entendu mais qu’ils ont joué sous d’autres cieux et dans d’autres géographies.
Généalogies inconscientes qui passent aussi par la complicité entre boîtes à rythmes et basses dansantes et guitares électriques chantantes que évoquent fortement le son mancuniens des années 90 : Madchester et plus particulièrement les Stone Roses période One Love ou la tournée de 1989. Sonorités aigües et arabesques et psychédélisle des guitares déformées à la wah-wah ou par autres effets (que je connais mal) qui viennent pour nos oreilles de Robert Fripp et de la talk-box de Roger & Zapp (parvenus jusqu’à nous par l’intermédiaire des voix de robots des Daft Punk).
Les voix de l’homme et de la femme (grand charisme et grande joie perceptibles sur scène) prolongent en longue incantations tournoyantes et répétitives le chant aigu et électrique de la guitare de Doueh, guitariste et leader du groupe. Comme des enfants qui imitent des instruments avec la bouche, les volutes se croisent et se superposent, comme une transe à la Manuel Goettsching. L’air de rien se dessine toute une filiation sonore qui part du bain électrique bouillonnant du Velvet Underground, se difracte et rayonne par Suicide (via le dub ) car les réverbs sont omni présentes chez Doueh. Ca peut sonner kitsch mais c’est aussi un effet clé du psychédélisme. Guitares saturées et brouillage (nuage orageux) entendus chez Spacemen 3/ Loop , Sonic Youth et la noisy des 90’s.
Moment magique et étrange hier de voir toute cette jeunesse branchée (bien peu d’Arabes dans la salle) danser et taper des mains sur des rythmes et chants au fond très simples et pas loin de Kassav ou la Compagnie Créole, j’exagère à peine, le son n’est pas le même mais l’esprit des mélodies et des rythmes est finalement assez proche.
Destin des sons et des usages des instruments assez fascinant, qui font des détours dans le temps et la géographie pour se croiser, disparaître et réapparaitre ailleurs, là où des oreilles et des corps peuvent les entendre et les jouer à nouveau. Une info qui résonne particulièrement ici, le père de Thomas Banglater n’est autre que Daniel Vangarde, le producteur de Ottawan et de la Compagnie Créole. Comme quoi …
Un mot sur le film diffusé avant le concert (Palace of the winds de Hisham Mayet), le voyage filmé (mal) par un producteur du label qui les édite aux USA, voyage qui avait pour but de retrouver justement le dit groupe Doueh en partant du Maroc pour arriver en Mauritanie. Signalons dans le film, la présence de Yassin Oueld Enana, si j’ai bien lu au générique, à découvrir et à écouter également. Dernière séquence sublime du guitariste et claviériste affalés dans un canapé, jouant mollement (rappelant les films de Satyajit Ray) – de façon non expressive dirons –nous (mais avec une super puissance sonore) devant une assemblée constituée d’une cinquantaine de femmes, toutes assises, dans un vaste salon, 2 ou 3 dansent debout, les autres parlent et écoutent. Moment abstrait, hors de la vie et du monde ! Toutes sont revêtues de voiles ne laissant voir que leurs mains et visages, mais elles sont maquillées et apprêtées. Leurs voiles légers sont hyper colorés, fluos, pastels, turquoises et bigarrés de motifs animaliers évoquant des peaux de serpents, de caméléons ou de tigres. Foisonnement de couleurs, imbrications de trames et arrière-plan mythologique animalier fascinant pour ces corps vivants dans le sable et le désert, en même temps que sophistication picturale et visuelle. Cette situation aurait plu aux surréalistes.
1 commentaire:
sympa de découvrir ce groupe
il y a des vidéos sur youtube
http://www.youtube.com/watch?v=U2Sa5Zd9WTg&feature=related
tu connais sûrement Toumast ?
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