Tree and Alcove, Davis Gulch, Escalante River, Utah, 1964 |
Hard Inclusions in Sandstone, Gray's Arch Trail, Red River Gorge, Kentucky, April 18, 1968 |
Eliot Porter,
frère du peintre Fairfield Porter (dont il faudra que je parle d’ailleurs), est
un photographe trop peu connu en France, né en 1901, mort en 1990 et actif à partir des années 30. Cette découverte
récente est bouleversante, son usage de la couleur, ses cadrages et sa vision
qui sait voir les structures du vivant (d’un paysage ou d’un enfant) à travers
un cadre est une leçon et une révolution qui pour moi le place très haut dans mon
panthéon personnel, au côté de Matisse et Klee.
Foxtail Grass, Lake City, Colorado, 1957 |
Sculptured Rock, near House Rock Rapids, Marble Canyon, Arizona, June 13, 1967 |
Stephen Porter with Bull Snake, Tesuque, New Mexico, 1948 |
Photographier en
couleurs dès 1939 alors que la photo noir et blanc lutte encore pour s’imposer
comme art (ce qu'elle fait en étant justement noble par le noir et blanc),
pratiquant le documentaire et le paysage (associé donc au pictural, donc anti
moderne car non urbain-constructiviste ni trash-bizarre, et anti medium-specific donc), avec une
diffusion plus large que les cercles de l’art et des musées : voilà qui
suffit à vous faire oublier de la grande, sérieuse et officielle Histoire de
l’art moderne, alors qu’il s‘agit ici et maintenant d’ouvrir ses yeux et d’être
sidéré par la puissance formelle de son travail.
De formation scientifique,
il pratique ensuite la photographie de façon professionnelle, soutenu et exposé
par son ami Stieglitz (on verra d'ailleurs ici un lien formellement évident avec
Madame Stieglitz : Georgia O’Keeffe, qui partage une même connaissance et
inspiration des paysages du Nouveau Mexique). Si ce qui frappe dans son
travail, c’est bien sur le détail et la haute délectation des couleurs, elle
est produite par son usage d’une technique de Eastman Kodak qu’il utilisera
toute sa vie depuis les années 40.
Small Stream Erosions, Coyote Canyon, Utah 1971 |
Pool in a Brook, Near Whiteface, New Hampshire, 1953 |
Jonathan Porter, 1938 |
Ice Cave, Scott base, Ross Island, Antartica, December 7, 1975 |
Il est célèbre
aux USA pour ses albums et series à succès sur des régions et paysages
spécifiques des Etats Unis (Colorado, Utah, nouvelle Angleterre) mais aussi les
paysages de l’Antartique, en Egypte, au Mexique, en Chine. Son coté
« culture et découverte », photos pour albums de France Loisirs le
déclasse aux yeux du monde de l’art, mais la photographie plasticienne en
couleurs hyper détaillée de Andreas Gursky ou tout autrement de Sharon
Lockhart, Lynne Cohen, Jean-Luc Moulène, Wolfgang Tillmans nous permettent
désormais de le regarder hors du contexte de sa diffusion initiale et de VOIR
simplement les images ainsi que son travail formel immense. C’est pour moi LE
choc esthétique de l’année, venu à ma connaissance par l’accrochage que lui a
consacré Trisha Donnelly au MOMA dans la série des Artists Choices : un
vrai acte politique et esthétique et militant dans ce contexte d’histoire de
l’art institutionnalisée. Elle présente Porter et d’autres artistes, designers
ou non-artistes d’ailleurs, dans les galeries de peintures et sculptures du
musée de novembre 2012 à juillet 2013.
Escalante River, 1980 |
Eroded Rock, New Mexico, 1953 (tirage 1963) |
Glen Canyon, Colorado, 1961 |
Voici donc une
photographie d’après la peinture moderne et abstraite, dans l'oeil de celui qui
réalise ces clichés. Sa dimension décorative est évidente et assumée, ici on
s'émerveille des formes du monde et du vivant, comme depuis la Renaissance mais
on n'y ignore pas une certaine cruauté très Bataillienne face à la beauté féroce et
indifférente des animaux et des roches.
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