Je profite d'une exposition récente de
cette artiste méconnue au New Museum à New York, exposition que je
n'ai pas vue, située au RDC a coté de la cafétéria dans un espace
horrible, mais bon … J'ai découvert ce travail il y a 2 ans avec
la sortie de What Nerve ! ainsi qu'avec les artistes de Chicago, des
Monster Roster aux Chicago Imagists et les Hairy who, dont Ed Paschke
ou Peter Saul sont les plus connus. Ils on t poursuivi, contre la
doxa de leur temps (minimal, conceptuel, povera, critique
institutionnelle) un art de l'image, figuratif, souvent monstrueux,
techniquement sophistiqué, bien plus subtil ou libre thématiquement
que la figuration narrative chez nous. Ils héritaient autant de la BD
underground que du pop art ou de Guston et Picabia : bref une
figuration alter-native. Ils ont ouvert le chemin à Mike Kelley,
Jeff Koons, George Condo ou les Simpsons, entre nombreux autres …
Donc parmi ces solitaires résistants, Barbara Rossi.
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Vernon, oil & graphite on canvas |
Son
travail est fait de dessins aux lignes sinueuses et serpentines
d'origine biomorphiques (sillons de visages et masses de tête) qui
ouvre sur un jeu cognitif d'associations, reconnaissances, délires,
une sorte d'abstraction figurative, terme qui m'est cher, immensément
riche et offerte par l'expressionnisme abstrait de Gorky ou
Frankenthaler (qui cherchait une autre type de figuration selon ses
propres mots). Entre geste et spéculation optique puis
imaginaire.
Rossi fait partie de la génération d'après
l'expressionnisme, qui considère ce monde des ainés comme des
données physiques et objectives, des mondes incarnés qu'il est
possible de « popifier », de simplifier et styliser
(comme Jean Hélion ou César Domela) comme on le ferait sur du
modèle vivant ou des natures mortes, par l'observation synthétisée
dans le geste et le traitement de la couleur ou lumière grâce à la
trame et au motif.
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Shep Step II, 1973 acrylique sur plexiglas |
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Wee Purr, 1972, acrylique sur plexiglas |
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Shep step, 1972, acrylique sur plexiglas |
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Rose Rock, 1972, acrylique sur plexiglas |
Elle réalise donc soit des compositions en
amas composites évoquant le portrait ou bien des scènes à la
théâtralité horizontale, les deux dans la fidèle logique de Paul
Klee. L'expérimentation n'est plus sur le geste (quoique) et la
matière mais sur le traitement de surface, les effets de l'image
imprimée : aplat ou nuancé d'ombre plates, tramé de
multiple façons et jouant des bordures. La ligne de contour, simple
ou doublée d'une nuance, d'une fine trame, irradiant dans la masse
par ondes. Le plus fou est ensuite le choix de colorer la ligne de
cloisonnement et de produire du volume ainsi.
J'aime sa capacité
à développer et à caractériser la tache sans qu'elle perde sa
singularité, sans l'emmener dans une moyenne déjà vue, dans une
forme générique , ce rebond entre premier geste et
retour/développement dans le temps sur la matière et l'instant
initial.
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Beach dancing, 1977 |
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turns, 1981 |
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Crucifixions by a thread, 1983 |
L'imagerie plus tardive, horizontale, est vraiment
singulière : devenant encore plus sophistiquée, pré-Photoshop ou
pré-informatique et pourtant très archaïque (comme Memphis) allant
vers le hiéroglyphe, la frise indienne ou aztèque. Elle ouvre là
un théâtre de formes très mobiles, très singulier, avec son
éclairage propre, ses réglages de couleurs propres, sa tradition
stylistique propre et des sujets très précis autant qu'originaux
mais dont les titres me semble encore en-deça de l'image même.
Inventer des sujets figuratifs nouveaux n'est pas rien ! Comme le
font Dana Schutz ou Yves Netzammer ou Orion Martin aujourd'hui.
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Cesar Domela, 1974 |
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Orion Martin, non identifié, 2015 |
On voit des acrobates devenant
mobiliers, des corps allongés, hospitalisés, oscultés, endormis
mais vifs, en forme. Elle met en scène l'apparition de formes dans un cadre, joue de l'oeuvre comme objet sans empêcher l'image et le corps d'advenir. Elle invente une incarnation possible par la
ligne colorée. Un corps de lignes et de nœuds, tendus et tendres.
Des mutants heureux dans un théâtre mental différent de celui de
Chirico mais pas loin non plus : des corps + un espace pour
les accueillir et les faire habiter un monde, pas LE monde, mais UN
monde. Donc un imaginaire du corps, un imaginaire où projeter notre
corps autre que celui des films, de la pub et de l'art déjà
existant.
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Pursuing twins et détails, 1979 |
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Sleepers, 1991 |