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Nude, Sizewell, 1934, 51x60 cm |
Je feuillette par hasard un vieux catalogue de vente aux enchères
chez Boulinier et tombe sur quelques repros de Ivon Hitchens, peintre
anglais du XXeme siècle, je décide d'en savoir plus, séduit et
intrigué. Il est né Sydney Ivon Hitchens (le masculin pour Yvonne)
en 1893 et mort en 1979, il y a 35 ans aujourd'hui. Fils de peintre et petit
fils de prêtre, il fit ses études à la Royal Academy de 1911 a
1918.
Après des débuts classiques avec des portraits très renaissance
puis se tournant vers l'art moderne, d'abord vers le symbolisme et le
paysage à la Maurice Denis, il commence à tordre la vision (à la
façon de Spilliaert, Vallotton et les Nabis), courbant la
perspective comme à travers un judas, puis sa palette et sa touche
rencontrent Matisse dans les années 20 et ses espaces se
fractionnent sous l'influence tardive de Cézanne.
Très vite, sa
caractéristique apparaît : ses formats très horizontaux et
allongés, comme étirés. Son sujet majeur : le paysage, ce qui
est plutôt ce qui m'intéresse le moins en peinture. Mais ...
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Triangle to beyond, 1936, 76 x 51 cm |
Il définit sa peinture contre le modelé et le dessin : en
étant plutôt attentif à la matière de la peinture (toujours de
l'huile sur toile). Plus précisément, il énumère les qualités et
critères à apprécier dans une peinture, selon lui : le poids de la
peinture sur la toile, l'épaisseur et la finesse de la couche, la
relation de la peinture avec la toile et son grain, la texture
(douce, granuleuse, sèche ou fluide) et la masse et énergie et la
direction des coups de pinceaux.
Il dit que ces images sont faites pour être écoutées : il précise
d'ailleurs que son « orchestre » organise 7 composantes
: je garde l'anglais pour rester précis et ne pas interpréter
maladroitement : line, form (2D mark), plane, shape, tone,
Notan, colour. Le Notan est une notion chinoise lié à la
répartition du clair et du foncé, de la luminosité non pas du
sujet (donc pas comme le clair obscur) mais dans l'image en cours de
composition.
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Blue & yellow 1936, 51 x 76cm |
On peut le voir, l'intérêt, au delà de ses magnifiques palettes et
jeux de couleurs, réside dans cette façon d'être ni abstrait ni
figuratif, dans un espace visuel ET mental, de gérer les espaces
entre les coups de brosses, leurs nuances propres, leur intensité
dynamique et lumineuse afin de convoquer un paysage de synthèse
optique. A la fois net ET flou, gestuel ET d'observation, processuel
(la peinture ne montre qu'elle même et sa fabrique) ET de
représentation, diverses logiques souvent exclues et inconciliable
selon les paradigme du moderne du siècle passé. Se vivant
d'ailleurs hors école et courant, il déclare en 1934 : « A painter shoud have no rules or formulas». Il a eu du
succès, à partir des années 30 et semble aujourd'hui, relativement
oublié ou noyé dans la masse informe de l'histoire de la peinture
moderne anglaise. Néanmoins, Howard Hodgkin, présenté récemment à
Gagosian Paris lui doit beaucoup, Christian Hidaka sans doute, même
Gerhard Richter je trouve. Un peintre canadien comme Anders Oinonen,
sur qui je me suis promis de revenir, a du le regarder également. En
1934, il participait à une exposition nommée « Objective
Abstraction », qui dit bien les choses.
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interior boy in bed, 1941, 40 x 74 cm |
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non identifié |
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Divided Oak Tree, No. 2, 1958, 51 x 116cm |
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Autumn trees, 1962 |
Pour ma part, c'est son choix de format, très étirés, qui
m'intrigue, comme des découpes, des plaques de microscope, des
prélèvements qui semblent extraits avec un couteau enfoncé et
vrillé dans le paysage, bien sur comme des rouleaux de peinture
chinoise ou bien encore comme des décors peints. Ces formats
permettent de perdre l'oeil, d'empêcher la saisie globale et
immédiate de la composition, de suspendre la hiérarchie des
échelles, de saisir le moment même où l'oeil va faire le point,
juste avant et pas encore totalement. Il produit des espaces par la
lumière et la couleur, sans mystique d'absolu et tout le tralala des
Klein, Rothko, Fontana etc … C'est donc une peinture qui dialogue
et travaille la question de l'image, de sa naissance, de sa
production, comme les photos pixellisées de Thomas Ruff par exemple.
Il s'agit d'une expérience cognitive d'ivresse solitaire du mental
et de son accroche in extremis au réel. Cette amarrage tendu entre
vision et observation, geste et image fait tout le prix et
l'actualité de son travail.
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dark downs through trees, 1966 |
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white sea clouds, 1967 |
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Yellow Hill, 1968, 45 x 117cm |
La théâtralité des compositions me plaît aussi. Ainsi que
l'humour et la désolation de voir apparaître des formes du monde
dans des coups de brosses et de la matière étalée dans un cadre.
C'est la grandeur désolée de la peinture moderne qui brille ici. Sa
palette de couleur dans les années 60 plus particulièrement est
sublime, proche de O'Keeffe ou Frankenthaler, onctueuse, lumineuse,
pop et acide, abstraite et singulière.
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South Coast, 1969 |
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