lundi 2 avril 2012

Danseuses Exposées

Folkert de Jong, the practice, take 13, 2010

Edgar Degas, la répétition, 1873-75

Folkert de Jong, the practice, take 6, 2008


Folkert de Jong, the practice, take 16


Folkert de Jong, the practice, take 17, 2011

Edgar Degas, la danseuse de 14 ans, 1881/1921






Paula Rego, pastels sur papier contrecollé sur aluminium, de la série des Dancing Ostriches, 1995


Ryan Gander, Out of sight (All on my own), 2011 Biennale de Venise 2011

Ryan Gander, I don't blame you, or, When we made love you used to cry and I love you like the stars above and I'll love you 'til I die, 2008 bronze, socle et cube bleu


Ryan Gander, Come up on different streets, they both were streets of shame Or Absinth blurs my thoughts, I think we should be moving on, 2009 bronze et socle peint
Ryan Gander, you walk into a space, any space or poor lithle girl beaten by the game 2010, bronze et 37 elements autour

Ryan Gander, You Ruin Everything (The Economy of Zeros), 2011












Croisées presque toutes en deux semaines de temps sur la toile, des variations et réactualisations de la ballerine de Degas, oeuvre matricielle pour Gander, Rondinone, De Jong et Rego ... et actualité de Degas au Musée d'Orsay. Petit rappel concernant cette sculpture de Degas, toujours aussi surprenante lorsqu'on la découvre : La petite danseuse de 14 ans (Marie van Goethem), fait partie d'une série d'oeuvres exposées en 1881, tirées en bronze quelques années après sa mort (années 1920). Rondinone qui a bien regardé les choses, a remarqué les différentes teintes de patines du bronze (brune, blanc crème et rose selon les parties du corps) et il reprend l'étape en amont des éditions produites en bronze et dispersées dans les grands musées du monde : la cire. La taille du personnage de Degas, pas tout à fait adulte, qui parait donc un peu en dessous de la taille "réelle" mais semble ré-ajusté par le socle joue beaucoup dans l'intérêt de cette oeuvre.

L'occasion de comparer, différentes façon d'approcher un corps en représentation. Le corps svelte et photo-réaliste, de Rondinone et Gander et De Jong : sculpture d'après la photographie et à l'ère du magazine féminin, corps générique donc. Ceux de Paula Rego, découverte grâce à Joana Neves, relèvent bien sur d'une toute autre incarnation, ce qui souligne du coup une différence de médium : sculpture cosmétique qui joue ainsi avec l'académisme pré-moderne Vs image au format virile mais à la technique "féminine" (pastel) = norme Vs freaks. Chez Rego, la netteté et le classicisme figuratif servent à souligner le paradoxe d'une situation et des raisons qui l'ont produite : pourquoi et comment les personnages figurés sont-ils arrivés là ? Qu'est ce qu'il se passe vraiment, ici ? Le mystère, à la fois psychologique, sexuel, érotique et social est assez épais.

Tous jouent avec une image et une icone de la sculpture moderne, De Jong avec le socle (des palettes) et la non noblesse de ses matériaux (mousses chimiques). Rego, à la suite de Lucian Freud (peignant Leigh Bowery pour ainsi dire) ou même de Guston et dans la lignée des gros clowns endormis ou avachis de Rondinone, travaille un corps qui défie les lois du bon goût et le mélange des genres (le geste choquant initial de Degas de mettre un vétement réel et contemporain à une sculpture). Gander, joue plutot une suite fictionnelle, compose une BD ou un récit à partir d'une image fixe, en la confrontant au cube socle devenu oeuvre avec les minimalistes et la couleur bleu Klein, infinie et si chargée spirituellement, qu'elle vole et hote toutes les qualités jadis atribuées à l'art classique. Dépression de la ballerine, déchue, au sol, ballerine comme un simple job pour gagner sa vie, comme avant/après un casting ou un shooting de mode. Spéculation sur une psychologie et économie symbolique de l'oeuvre. Les titres de Gander, aussi importants pour les 4 artistes, travaillent clairement ce jeu : double sens:  conversation psychologique et enjeux économiques...

Concernant Rondinone, il faut replacer ces nus (qui ne sont pas des ballerines, c'est moi qui fait le lien ici) dans le fil des nombreuses mutations corporelles des figures dans son travail depuis le début. Sans remonter jusqu'aux travestis des débuts (mais pourquoi pas), on pense aux clowns amorphes alongés au sol, mais aussi aux petits oiseaux, en bronze, tous différents, moulés à la main (Kiss now kill later), qui deviennent en 2010 des Nudes (suivis d'une parenthèse avec un nombre de x variables qui sert à singulariser la pièce tout en soulignant son anonymat dans le sériel), faits d'assemblages de parties de corps en cire aux teintes variées (cf. Bruce Nauman). Ces nus mélancoliques et malades (la cire comme marque des humeurs intérieures) dialoguent avec l'espace autour, la lumière, le décor clinique du white cube et les fenêtres opacifiées de la galerie (Gladstone Bruxelles). Jeu qui vise à rendre absent une sculpture, donc de la faire redevenir photographie/image : re - présentation.

Mais tous, à travers le corps en représentation et la question de la mise en scène, interrogent des qualités de l'oeuvre d'art exposée en général, sous l'angle de sa présence, co-présence avec le spectateur. Etre exposé = être en scène / en coulisse, puisqu'il n'y a plus de différence. Toutes incarnent des points de vue sur le spectacle depuis l'intérieur de l'oeuvre, comme si le personnage méditait ou s'amusait de son êtat d'oeuvre, en cire, mousse, bronze, pigments... Toutes ces ballerines/corps nous font danser mentalement, nous font nous déplacer autour d'elles et ajuster nos critères et regards et réactions. Elles sont les stigmates d'une oeuvre paranoiaque, vues sous toutes les coutures et acrobaties, fussent-elles physiques ou psychiques. Elles savent qu'on les observent et qu'on peut les scruter. On les force à être ici, elles ne sont pas prètes pour le show ou elles ont décidé de le gâcher ou de ne pas y aller, tout en y allant quand même... 

Bref, quelques réfléxions à prolonger et des précisions pour moi sur l'idée qui me trote en tête depuis qq. années d'une oeuvre d'art comme d'un(e) comédien(ne), j'y reviens bientôt ... 







Et un bonus en Nota Bene/effet de mémoire : des vues de l'exposition de Rachel Harrison en 2004 chez Arndt & Partner, intitulée Posh Floored as Ali G tackles Becks (pour les petits jeunes, c'est une référence aux Spice Girls)... Versant hystérie joyeuse de l'oeuvre comme danseuse

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