samedi 16 août 2008

New Order live, 1984

New Order

Un document exceptionnel visible sur You Tube : New order en live à la radio BBC1 en 1984 (voir post ci-dessus)


Pendant les qq. minutes de la vidéo, les membres de New Order sont les plus belles personnes du monde, appliqués, concentrés, séparés chacun de leur coté (comme la mise en scène le montre ici) mais ensemble dans un espace autre que celui du studio réel et physique, celui du son : ailleurs.



Chaque instrument a sa place dans l'espace sonore très bien partagé de ce groupe. On assiste à un miracle d'humilité et de puissance. Humilité de la place bien définie que chacun respecte, au profit d'une chose qui les dépasse tous individuellement qui est : une CHANSON. Ici, quatre anglais, sans doute plutot beaufs, du Nord, trouvent ensemble à réaliser qq chose de grand, de singulier, tout en restant et en admirant au plus haut point le format de la chanson pop.


Marriant Kraftwerk et le krautrock des 70's avec la tradition de la pop song pour ados des années 50, ils ajoutent cette mélancolie inimitable qui leur est propre dans leur composition et plus particulièrement dans le chant. Dans ce film d'une grande qualité de prise de vue, attentif et sobre, (absolument pas comme on filme la musique en train de se faire aujourd'hui) on est témoin qu'une forme si anecdotique qu'une pop song peut offrir a des humains l'occasion de donner, d'exprimer de multiples sentiments, plus ou moins contradictoires : mélancolie, rage, libido, ennui, SIMULTANEMENT.


Ils jouent des contines, des lullabies (des berceuses) très scolaires, presque trop faciles mais jouées avec une telle sobriété, une retenue digne d'un écolier interprétant du mozart au violon pour la fête de Noel.; On est a un moment de la pop musique où il n'est plus besoin d'apparaitre comme des robots quand on joue du synthé et des machines, ni de se vanter de ses synthés (style Eno ou JM Jarre). le robot est en soi et peut s'habiller en short, détendu.
La Puissance de leur énergie est aussi la preuve que très vite (vers 1966) le rock en tant que tel est impossible, qu'il s'est enfoui dans les corps et que les corps l'ont fait passer sous d'autres habits, d'autres formes et d'autres sons : des boîtes à rythmes, des synthés idiots et sautillants (donc totalement punk), une guitare rythmique et une ligne de basse ondulante sans fin...



Un document très beau : les notes de pochettes de disque publiées sur la compilation de New Order :

New Order should never have been called New Order.

Bernard Sumner should never have been a lead singer.

Joy Division's survivors should never have made dance music.

New Order should never have composed the best selling 12 inch record of ail times.

New Order should never have disguised themselves as hard rockers for the Touched by the Hand of God vidéo.

US kids addicted to MTV should never have taken it for granted.

New Order should never have earnt a lot of money, only to be bankrupted because of the Hacienda, their club in Manchester.

The Hacienda should never have opened.

The Hacienda should never have closed.

New Order never properly signed with Tony Wilson from Factory Records but followed ail the label's history, from the punk débuts to the Acid House ending.

New Order should never have signed in the US of A on Q West, Quincy Jones' soûl music label, but Quincy thought that it was "the best Brit band ! Much better than the Sex Pistols !".

Suppose New Order hadn't written Blue Monday, Neil Tennant would have never founded the Pet Shop Boys. He would still be a journalist.

New Order don't use make up like The Cure, don't dress up like Depeche Mode and don't have haircuts like the Human League.

New Order are a serious band, but they weren't afraid to compose the officiai British anthem for the World Cup 1990.

England should never have lost this World Cup. Any World Cup.

New Order can be outrageously cold like hard dance. Never narrow minded.

New Order doesn't dance, but really likes it anyway.

They stood there, without saying a word to their audience. It was cool.

Nowadays they spend most of their time talking & doing encores every night. It's cool.

New Order is a weird band : Peter Hook has a strange way to hold his bass, Steven to use his drums, Barney to dance and Gillian to, uh, well Gillian you know.

If lan Curtis hadn't commited suicide, New Order would have never existed.

If New Order hadn't played in New-York, they would have never discovered Larry Levan's Paradise Garage and John Jellybean Benitez's Fun House.

They would never have worked with Shep Pettibone, Arthur Baker, John Robie or Steve Silk Hurley.

And the history of House music wouldn't have been the same.




If Peter Hook hadn't produced Made of Stone, there would never have been a Stone Roses' phenomena.

If Bernard hadn't produced Freaky Dancin', there would never have been a Happy Mondays' phenomena.

Without the Roses or the Mondays, no Madchester.

New Order refused to mime on tvs. Imposed their own conditions. And it wasn't for fun.
New Order never showed their faces on record covers. Except for once.

And it was big.

Pré House incognito, effective anti star System.

No poses, only attitude.

The true punks do dance music.

The techno génération is still running 20 years after Blue Monday.

New Order were still running after Lou Reed... when they finally found out about Donna Summer.

Yeah, and one last thing, New Order should never have shot their Regret video with David
Hasselhoff and Pamela Andersen.

On the beach.

During Spring Break.

With Californians all over.

Real ones.

No, not that.

New Order never do anything thing like anybody else.

A chronological "best of" is supposed to explain a logical route.

Not with them.

You will only find a natural gift for Anarchy.

Really, New Order should have been called New Order.

And definitively should never have been the best band on earth.

David Blot, September 2002

Showroom Dummies

A propos de "Last Manoeuvres in the Dark" de Fabien Giraud & Raphael Siboni, dans l'exposition "Superdome" au Palais de Tokyo, Paris (29 mai – 24 août 2008)


"Comme de longs échos qui de loin se confondent
dans une ténébreuses et profonde unité"
correspon-dances
, Baudelaire


Il faut passer outre la communication faite autour de cette pièce , même si je me suis amusé à relever les adjectifs et expressions employés : « le tube des Ténèbres, Surpuissant, absolu, maléfique, le plus sombre de tous les temps, ultime et unique, infini, superlative et abyssale », semblable à une bande annonce Hollywoodienne ou plutôt à sa parodie.


Si je parle ici de cette pièce, c'est d'abord pour les liens qu'elle entretient avec les précédents posts de ce blog, particulièrement celui sur Clamor pour le rapport entre POP musique et militarisme.

D'abord, il faut expliquer un minimum comment ca marche. Nous nous retrouvons davant une armée de Dark Vador dont nous pouvons entendre le bourdonnement cérébral collectif. A partir d’une mémoire composée d’une multitude de morceaux de musiques allant de la techno hardcore (gabber) au requiem de Fauré, codés en MIDI , l’ordinateur a été programmé pour apprendre à jouer et à composer avec cette mémoire. Des gestes de mixeurs, de musiciens et d’informaticien ont été pré-programmés de façon à rendre le système de diffusion de la musique LIVE au lieu d’en faire un simple jukebox (ipod) aléatoire. Si ce genre de manipulations peut sembler être du chipotage au regard de certains, il faut mettre cela en lien avec les autres éléments de la pièce : les masques en terre cuite + le dispositif de diffusion et de visibilité.


Chaque casque correspond à un micro-processeur (n’ayez pas peur de voir ces termes dans l’art, vous les utilisez tous les jours avec votre ordinateur). Le micro-processeur est dans le casque mais pourrait tout aussi bien être placé dans l’unité centrale, cela ne change rien à son fonctionnement. Nous voyons donc en fait un ordinateur étendu dans l'espace (dixit Fabien Giraud), Chacun joue et apprend à jouer en fonction des autres qui font de même (si j’ai bien compris).

Chaque membre de cette intelligence collective est un instrument dans un orchestre (cf. la référence au groupe OMD sans chef. On voit là que sont connectés armée + informatique + musique : sous les paradigmes de Chef / exécutant, Cerveau / petites mains, programmation / exécution live. Ce qui rejoint bien-sur des questions de création et de sculpture monumentale : en terme de décisions à prendre et de contexte de production pour les 2 artistes. Le sujet reflète la pièce à regarder.
Tark Zaki, time machime remembering tomorrow, detail of fossile plaster, 2004

Sculpture en bois du Bénin, Collection Berggruen, Berlin

The Straight edge de Fabien Giraud travaillait déjà sur les questions de l'exercice du pouvoir sur la matière vivante : diriger une foule de danseurs comme on manipule un magnétoscope (pause, mute, slo-mo, play, rewind). Le projet réalisé avec Raphael Siboni pour la Biennale de Santa Fe 2008 fait fondre une sculpture de bronze pour lui donner une nouvelle forme puis la fait retourner à son état précédent (avec un manque apparent). Cette logique digestive très littéralement revendiquée à la Biennale de Lyon par le même duo Giraud-Siboni joue sur les notions de puissance à l’œuvre dans l’acte de création ainsi que de process / de traitement. Mais la matière est forcément aussi et surtout déjà un code, elle contient une information qui a été mise en elle avant que soi même on y intervienne.

Ici le jouet « Masque de Dark Vador » est cet information, objet synthétique culturellement et incarné pour le coup dans le matériau archaïque de la sculpture et de la création : la terre cuite. Au-delà du jeu entre Haute culture et sous-culture, c’est plutôt un jeu sur le génératif, sur comment un contexte produit et incarne une instance dans une forme. Ici des têtes typiques d’un pouvoir royal et central décapité sont exhibés sur des piques. ON passe du UN au multiple, du personnage au produit dérivé.

Cette pièce fonctionne en 2 temps : d'abord voir la sculpture dans l'espace, qui se darde face à vous, puis dnas un deuxième temps en faire le tour, comme totue scuilpture et arriver à son dos ou son coeur : la tour, le disque dur central, semblable au monolith ede 2001. Est-ce de là que partent les ordres ? Pas vraiment puisque chaque masque-processeur-individu joue un rôle de décideur. On voit bien ici se déssiner une distinction entre pouvoir militaire et pouvoir POP, celle de la création d'un mythe culturel, d'un mouvement et d'une énergie sans tête, mais avec un corps. Le mythe de la Guerre des Etoiles est donc à voir ici comme figure générique de la culture du fan se réappropriant un icone, la customisant et la démultipliant dans un usage qui échappe à ses créateur d'origine. Armée + informatique + musique se rejoignent dans le travail de création qui rejoint ici celui de la création spontanée et collective de la culture pop actuelle.

La notion de MAL trop mise en avant dans la communication, ne veut rien dire pour nous, en tant que concept. Je pense qu'il faut plutôt la remplacer ici par celle de destruction. En transformant des musiques gothiques et sombres en simple techno ou dark ambient, très énergétique tout en étant assez retenue (pas festive), on sent une véritable énergie se déployer dans l'espace d'exposition, l'énergie de la danse potentielle, de la dépense. Mais cette dépense ne s'organise pas autour d'un chef, gourou, DJ ou maitre de cérémonie. elle est décentrée et mise en réseau. Exhiber une sculpture qui continue de se créer, d'évoluer (par la musique produite) est une réponse à la force du mal ou donc plutot au principe de destruction initialement véhiculé par Dark Vador.


La rigidité militaire des masques devient comique mais sert de contrepoint, de zéro pour un mouvement possible. Jeu érotique semblable à Kraftwerk sur scène. Produire une musique énergétique et tribale en restant de marbre (ou plutôt de terre cuite) rend l’énergie encore plus vive et tendue de n’être pas dépensée. Les musiciens Dark sont des chanteurs qui ne vocalisent pas. Comme le fantôme de l’opéra, ils ont une machine branchée sur leurs cordes vocales, le bourdonnement des basses qui résonne à l’intérieur du crâne est capté et collectivisé. On approche d'un rêve de musique télépathique telle que rêvée par Stockhausen dans les années 70.

Robert Filliou, musique télépathique
Vanessa Beecroft, performance 2007
Duchamp, 16 miles of string 1942

Si on néglige cette dimension culturelle de la musique produite toute seule, ou du moins reconstituant ce qui se passe dans la culture populaire aujourd'hui, on ne voit qu'une sculpture de Jeff Koons (qui veut rassurer le public et rendre décomplexer de sa culture pop) corrigée par Steven Parrino, c'est-à-dire, non plus dans la culture pop colorée et marchande mais la sous-culture pop alternative (de Batman aux free parties). Cette dernière étant désormais aussi marchande et acceptée, surtout dans l’esthétique du luxe (les lustres en cristal noir de Starck).

Gary Hill, installation au Louvre

On peut pointer vers 2 précédents liés à cette pièce : la collection de Pokémon en terre cuite de Jean Bedez et l'intervention de Gary Hill au Louvre en 2004, où il mettait en relation les premiers signes d'écriture cunéiformes dans l'argile avec les plus récents modes d'écriture de l'image de synthèse (du 0 et du 1), deux moments historiques ayant en commun une imagerie militaire et guerrière : récits de guerre sur les batons de signes cunéiformes et tank en 3D accompagnés de discours de George Bush sur l'Irak.



Plus d'explication sur la conception technique de l'oeuvre dans le prochain numéro du magazine musical anglais The wire