lundi 29 avril 2013

La Guerre du Gout


Philip Guston, the court room, 1970


Afin de réactiver le blog, une série de posts monographiques, normalement assez rares (ma mémoire vive vise plutôt à produire des effets de montages entres formes et œuvres diverses) cherchera à mettre en avant et à faire découvrir des œuvres et artistes négligés par nos circuits d’information habituels. Cela fait partie pour moi d’un projet plus vaste de révision et de réécriture de l’histoire de l’art moderne et contemporain (rien que ça !), non pas comme historien mais comme artiste, comme acteur tout simplement ; même si tous, artistes, critiques,  commissaires y participons plus ou moins consciemment et passivement.

Plus j’avance et mieux je connais et perçois mon travail, comme celui de mes contemporains et celui de mes ancêtres et plus je comprends que le récit diffusé dans nos têtes par le Musée, par certaines écoles (profs) et par les manuels d’art moderne et contemporain est erroné, simpliste et caduc aujourd’hui. Internet change beaucoup de choses, nivelle et redistribue les hiérarchies (tant mieux), les mythologies auto-promotionnelles des acteurs (artistes et critiques) années 60 et 70 vont reculer dans le fond du paysage, d’autres figures phares vont émerger, le paysage s’approfondit et bouge sans cesse. Je sais maintenant que rien n’est écrit pour toujours, c’est rafraichissant, car l’art « contemporain » vieillit et le regard qu’on porte sur lui change et va changer.


Philip Guston, Deluge II, 1975


Cette histoire de l’art récent est vivante, pleine des chemins complexes et secrets que prennent les formes et les pratiques. Les redécouvertes récentes de Alina Szapocznikow, Carol Rama, Phyllida Barlow, Michael Büthe, Lee Lozano par le monde de l’art contemporain ne sont que le début, je pense, d’une reformulation du récit multiple, éclaté, polyphonique, non linéaire et non darwiniste de l’art récent (non l’art moderne ne conduit pas obligatoirement à Mondrian ou à l’art minimal). L’exposition « Third Mind » de Ugo Rondinone au Palais de Tokyo (2007) qui me revient souvent en mémoire est aussi un modèle d’écriture personnelle (hyper précise) de l’histoire de l’art récent qui fait tache d’huile sur le récit « officiel », rien qu’à voir le succès et les redécouvertes critiques de Paul Thek, Hans Josephsohn, Jay DeFeo par exemple. Les avancées des cultural et gender studies y participent. Les présences régulières sur ce blog de Georgia O’Keeffe, Bruce Conner, Paul Klee, Robert Rauschenberg, Eve Hesse, Lee Lozano, Sheila Hicks, Jan Groover, Richard Tuttle, Philip Guston, pour connus qu’ils/elles soient, participent de cette même démarche. Leurs œuvres  restent à déployer quant aux conséquences qu’elles impliquent : sur la pensée incarnée du goût, du faire, du beau, du genre, du regard, de la valeur, du contemporain et du politique, de l’art comme discours ou non, de l’art comme virilité et jeu de pouvoir, de l’art comme invention de la vie quotidienne qui permet de le produire, entre autres questions brûlantes …


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On verra donc dans ces posts un art contemporain figuratif, récent ou pas, connu ou pas, professionnel ou pas mais qui dessinent des familles de formes et lignées d’inspirations trop ignorées ou innommés, donc pas vus, même quand on les a sous les yeux.
Tout cela est bien excitant, le futur s’invente tous les jours, mais c’est un combat (la guerre du goût, DES goûtS) contre des ennemis invisibles (des idéologies qui trainent), contre des expos de photocopies/documents en noir et blanc qui ressemblent aux CDI de notre collège d'enfance, contre la bonne conscience du savoir et de la recherche qui se réduit à du texte imprimé (n'y aurait-il donc aucune recherche VISUELLE et FORMELLE ?!?!!!!) ET contre de véritables personnes qui sont là (et qui reconduisent perpétuellement les même zones d’aveuglement). Donc, voilà, un blog plus ouvertement partisan (même s'il l’a toujours été). Pour ET Contre.