samedi 1 août 2009

Collatéral à Poitiers

Visite d'été à Poitiers pour voir cette exposition collective : Collatéral " au Confort Moderne, aléché par l'article de Damien et les artistes aperçus de çi de là auparavant.
D'abord, je suis frappé par les choix d'accrochages : très lié spécifiquement au lieu, adoptant une grille murale qui divise un grand mur en 24 parties égales où chacun va pouvoir déposer / placer une oeuvre dans un damier où les individualités se perdent et se répondent. Au point de laisser la zone d'une porte d'un local technique en occuper une comme si elle était une oeuvre. Ou au point d'intégrer une oeuvre d'une photographe de leur galerie américaine (Miguel Abreu), envoyée à un collectionneur dans la même caisse de transport vers l'Europe.




On oscille entre règle du jeu et fissuration des règles, jeu au sens de baillement/écart. Les oeuvres se continuent par leur périphérie : voisinage entre elles, luminosité de l'espace d'expo, caisse de transport, signalétique. Comme preuve, l'oeuvre commune créée sur place : 3 projecteurs noirs de spectacle, disposés au sol, et recouverts de gélatine pales, scotchés rapidement, qui projetent un jaune, vert et rose très pastels. Geste dandy, anti-spectaculaires et tout de même maniéré, débonaires qui évoque les coups de bombes aérosols de
Rodzielski.



Ici clairement, l'image est un objet : c'est à dire un lieu de manipulation : à la fabrication et à la réception ainsi que lors de sa diffusion (reproduction, variantes, combinaisons). comme Eileen Quinlan qui joue de photographies composées en atelier, à l'aide de textiles à grosse trame, de miroirs et de gélatine colorés, en agacement prismiques auquels s'ajoutent la vitre du cadre d'exposition et notre reflet.

Ces artistes : Liz Deschenes, Sam Lewitt, Scott Lyall, Sean Paul, Eileen Quinlan, Blake Rayne, Nora Schultz, Cheyney Thompson, jouent avec une certaine paranoïa : objet neutre et clos sur lui-même qui joue sur son autonomie et son rayonnement. Ils cherchent à attirer la micro-inspection et le gros plan de la part du spectateur. L'objet d'art ici appelle l'inspection, la vérification à la recherche de micro-sensations : grains, reflets, textures, trames, variations chromatiques, matériaux en trompe l'oeil. Il faut chercher et scruter, regarder ce qui est accroché en face, comment se présente la tranche du chassis, regarder dans sa vision périphérique pour faire jouer le premier plan et l'arrière plan. Il faut un oeil à 360°, parano en vue d'offrir du plaisir et de profiter au maximum de ce qui est là. Comme si on était devant un corps, qui nous entoure, et qu'on veut pouvoir étreindre tout entier.




Au travers de ces objets déjà encadrés, déja vitrés (Quilan, Deschenes), produits en série ou déclinés (Lyall, Rayne, Lewitt), s'active donc une véritable science érotique : entre solitude triomphante (séduction et indifférence) de chaque oeuvre et une ouverture au contingent et au sourire auto-critique et relativiste. Les oeuvres existent sur 2 plans simultanés et contradictoires : celle de leur autonomie hermétique et celle de l'expo comme mise en relation, composition décorative revendiquée où disparaissent les individualités. Ici on voit les réglages des rapports de force entre oeuvres et exposition : pour savoir qui englobe qui ? Qui avale qui ? Qui influence qui ? Le lieu ou les oeuvres ? Le but étant de rester dans un entre deux d'indécidabilité et de rebond permanent. On peut zoomer dans un oeuvre et être regardé par les oeuvres qui l'entoure. Mais aussi regarder dans le vide pour tout voir à égalité.

Je cite Damien "Le médium devient l’exposition elle-même, ses caisses de transports, les systèmes de reproduction, la lettre, les modes d’organisation en collectif, le bidouillage de laboratoire, les collages de toutes sortes. Et ce n’est pas une redéfinition du formalisme, c’est sa continuation butée mais dénuée de tout héroïsme."





Pour faire le tri et offrir quelques infos plus détaillées : Blake Rayne expose les pans désassemblées des caisses de transports qui sont faites par lui-même et sont donc aussi des oeuvres : lates de bois noires alternativement mates et brillantes, visibles des 2 cotés et devenant cimaises pour d'autres oeuvres que les siennes. Rayne, produit des toiles pliées et cousues puis décousues, un geste qui s'applique donc à plusieurs toiles à la fois (comme
Nathan Hylden) et se voit dispersé et fragmenté dans l'espace et les supports.

Sean Paul lui joue autrement : à partir du contexte (a coté d'une prison) il expose des toiles blanches vierges que lesquelles il colle (mal) des photocopies noir et blancs dégrédées à divers degrés) lié au cotnexte : Confort Moderne devient Conforama, le plan de la rpison donne naissance à un miroir et à des découpes de carton gris. Le bad boy du groupe, le moins convaincant pour moi.

A signaler, le très bon choix de la vidéo de Nora Schultz : pas du tout de ce groupe d'américains, vrai choix de mise en relation par le commissaire Yann Chevalier : un film amateur montrant une image ralentie d'une silhouette d'avion apercue dans un ciel couchant et au travers de branches d'arbres, par un point de vue tremblant qui fait danser et flotter ce projectile noir plus ou moins centré. Les textures du ciel et des couleurs vidéo jouent bien avec les trames de Thompson ou les presques gris/vierges de Lyall collées à même le mur de façon à confondre relief du support mural et teintes imprimées. Par contre, Nora Schultz se trouve éjectée de la communication et du livret d'information disponible sur place, dommage !

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