mardi 10 mai 2016

Barbara ROSSI

Je profite d'une exposition récente de cette artiste méconnue au New Museum à New York, exposition que je n'ai pas vue, située au RDC a coté de la cafétéria dans un espace horrible, mais bon … J'ai découvert ce travail il y a 2 ans avec la sortie de What Nerve ! ainsi qu'avec les artistes de Chicago, des Monster Roster aux Chicago Imagists et les Hairy who, dont Ed Paschke ou Peter Saul sont les plus connus. Ils on t poursuivi, contre la doxa de leur temps (minimal, conceptuel, povera, critique institutionnelle) un art de l'image, figuratif, souvent monstrueux, techniquement sophistiqué, bien plus subtil ou libre thématiquement que la figuration narrative chez nous. Ils héritaient autant de la BD underground que du pop art ou de Guston et Picabia : bref une figuration alter-native. Ils ont ouvert le chemin à Mike Kelley, Jeff Koons, George Condo ou les Simpsons, entre nombreux autres … Donc parmi ces solitaires résistants, Barbara Rossi. 


Vernon, oil & graphite on canvas
 

Son travail est fait de dessins aux lignes sinueuses et serpentines d'origine biomorphiques (sillons de visages et masses de tête) qui ouvre sur un jeu cognitif d'associations, reconnaissances, délires, une sorte d'abstraction figurative, terme qui m'est cher, immensément riche et offerte par l'expressionnisme abstrait de Gorky ou Frankenthaler (qui cherchait une autre type de figuration selon ses propres mots). Entre geste et spéculation optique puis imaginaire.

Rossi fait partie de la génération d'après l'expressionnisme, qui considère ce monde des ainés comme des données physiques et objectives, des mondes incarnés qu'il est possible de « popifier », de simplifier et styliser (comme Jean Hélion ou César Domela) comme on le ferait sur du modèle vivant ou des natures mortes, par l'observation synthétisée dans le geste et le traitement de la couleur ou lumière grâce à la trame et au motif.


Shep Step II, 1973 acrylique sur plexiglas



Wee Purr, 1972, acrylique sur plexiglas

 

Shep step, 1972, acrylique sur plexiglas


Rose Rock, 1972, acrylique sur plexiglas


Elle réalise donc soit des compositions en amas composites évoquant le portrait ou bien des scènes à la théâtralité horizontale, les deux dans la fidèle logique de Paul Klee. L'expérimentation n'est plus sur le geste (quoique) et la matière mais sur le traitement de surface, les effets de l'image imprimée  : aplat ou nuancé d'ombre plates, tramé de multiple façons et jouant des bordures. La ligne de contour, simple ou doublée d'une nuance, d'une fine trame, irradiant dans la masse par ondes. Le plus fou est ensuite le choix de colorer la ligne de cloisonnement et de produire du volume ainsi.
J'aime sa capacité à développer et à caractériser la tache sans qu'elle perde sa singularité, sans l'emmener dans une moyenne déjà vue, dans une forme générique , ce rebond entre premier geste et retour/développement dans le temps sur la matière et l'instant initial.


Beach dancing, 1977


turns, 1981


 
Crucifixions by a thread, 1983



L'imagerie plus tardive, horizontale, est vraiment singulière : devenant encore plus sophistiquée, pré-Photoshop ou pré-informatique et pourtant très archaïque (comme Memphis) allant vers le hiéroglyphe, la frise indienne ou aztèque. Elle ouvre là un théâtre de formes très mobiles, très singulier, avec son éclairage propre, ses réglages de couleurs propres, sa tradition stylistique propre et des sujets très précis autant qu'originaux mais dont les titres me semble encore en-deça de l'image même. Inventer des sujets figuratifs nouveaux n'est pas rien ! Comme le font Dana Schutz ou Yves Netzammer ou Orion Martin aujourd'hui.


Cesar Domela, 1974



Orion Martin, non identifié, 2015


On voit des acrobates devenant mobiliers, des corps allongés, hospitalisés, oscultés, endormis mais vifs, en forme. Elle met en scène l'apparition de formes dans un cadre, joue de l'oeuvre comme objet sans empêcher l'image et le corps d'advenir. Elle invente une incarnation possible par la ligne colorée. Un corps de lignes et de nœuds, tendus et tendres. Des mutants heureux dans un théâtre mental différent de celui de Chirico mais pas loin non plus  : des corps + un espace pour les accueillir et les faire habiter un monde, pas LE monde, mais UN monde. Donc un imaginaire du corps, un imaginaire où projeter notre corps autre que celui des films, de la pub et de l'art déjà existant.



 
Pursuing twins et détails, 1979


Sleepers, 1991



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