samedi 30 mai 2009

Ariel Pink à Paris

J'ai découvert Ariel Pink il y a deux mois, via Pitchfork site de promo de la musique indé US. Donc découvert par l'image et le texte et puis aujourd'hui un peu mieux au travers de sa musique grâce au concert de Villette Sonique.


Ariel Pink, c'est le chanteur compositeur, venu de L.A. et Haunted Graffiti, le nom du groupe qui l'accompagne. Sur scène, le groupe est carré, efficace et simple, une personne de la foule a parlé de pub rock à leur propos, ce n'est pas si faux mais tout de même réducteur car il oublie la présence du chanteur et surtout la strcuture élastique et imprévisible des chansons. Oui, elles furent exécutées sans grandeur pétaradante mais la beauté de ce projet d'ensemble réside dans le contrepoint entre le coté carré et puissant de la musique (de la power pop électrique) qui soutient une voix / une personnalité + des chansons qui sont elles beaucoup plus singulières, limites et parfois sur le point de l'écroulement. Qu'est ce à dire ?

D'abord les chansons, pop 50's (Shangri-las filiation Ramones) qui bifurquent vers une variété 80s (type Lionel Richie, Madonna période Into the groove) pour être rattrapées de justesse par une certaine brit pop (Smiths ? / Jarvis Cocker ?) posé en équilibre sur du rock indé entre Baby Bird, Michael Stipe et TV Personnalities. C'est joyeux et mélancolique, méchant et comique, sérieux et sexy, successivement ou tout en même temps dans les meilleurs moments (for Kate I Wait et Flashback). Les refrains sont là mais pas si prévisibles, la durée des chansons courte mais elles finissent sans crier garde, le solos et envolées d'orgues ou de basses énergiques, les textes narratifs et comiques à la fois.





La voix de Pink, dont je regrette beaucoup de ne pas bien comprendre les textes, passe de la narration parlé à des envolées lyriques qui déraillent (il ne chante pas très bien c'est clair), traversées de cris venus du métal le plus sombre et prolongés en réverbes psychédéliques. Ce sont, malgré tout, les moments où il passe en mode Barry Gibb/Bee Gees ou bien lorsqu'il sifflotte les mélodies ou quand il les sussure façon Nick Cave/Jarvis Cocker que la joie est grande pour nous. Ce qui fonctionne c'est la possibilité qu'à ce corps en scène de traverser ces registres. C'est leur survenue possible et alternative dans la même chanson qui en fait le prix.

En ce sens, Ariel Pink est un véritable interprète, et son groupe pas plus nul (même meilleur) que les rockers qui accompagnent Morrissey depuis Your Arsenal. C'est le premier crooner de l'indie pop US, une figure post-moderne qui n'en fait pas de trop (c'est ni Hercules & love affair ni Rufus Wainwright que j'aime bien tous les 2 par ailleurs), une créature de Frankenstein musicale et culturelle aux cicatrices invisibles car naturelles !

Comme Morrissey, il arrangue les spectateurs en même temps qu'il veut apitoyer, il est inclassable sexuellement (clodo ? pédale ? gay ? beauf ?), il joue avec son corps en même temps qu'il subit ce corps donné par la nature. Il est marrant et touchant, il est sur scène au même niveau que nous, il n'est pas dupe du dispositif qui le met en valeur (les médias, le business), il y passe simplement quelques minutes, c'est tout. Vu backstage, il est petit, vouté, n'a l'air de rien (ou sinon de Kurt Cobain teint en brun et avec des cheveux plus filace). C'est l'idéal de la pop star post TV-réalité et post-karaoké, le personnage ordinaire qui se prend pour une star à Las Vegas mais n'est pas dupe malgré tout. Ce corps/personnage (Ariel, la fée de la tempète de Shakespeare, qui se prononce A-real : "réalité de premier ordre") incarne donc un moment spécifique de la pop-culture occidentale : un corps où je peux me projeter car il compresse/il zippe 50 ans de pop musiques et d'incarnations de corps issus du peuple, un corps entouré et nourri par l'électricité (remember Phantom of the Paradise), anglais et américain, noir et blanc, soul et rock, mainstream et indé, gagnant et perdant, maître et esclave.





A coté de ça, les têtes d'affiches en fin de soirée, Liars, rockers protestants, raides, gris et viriles, qui se prennent pour Bertrand Cantat, c'est insupportable ! Ils croient que la transe rythmique, c'est Front 242 ou des marches militaires, ils n'ont sans doute jamais entendu parlé de cette découverte essentielle qu'est le Groove ! Je suis parti assez vite. Ariel Pink lui ne ment pas.

1 commentaire:

KLINSMARK a dit…

non, Ariel Pink ne ment pas. l'archétype du gars tout-à-fait-fascinant complètement obsédé par la musique (il me fait penser sous certains aspects à brian wilson, et je crains parfois qu'il n'en perde la boule, comme icelui).