lundi 25 mai 2009

Ryan Gander à Kadist & GB Agency



L'exposition de Ryan Gander (it's a right Heath Robinson affair) à la Fondation Kadist semble tourner autour du dessin et plus particulièrement sur la question du modèle, connectée directement et ouvertement à celle du peintre et son modèle, déjà fortement explorée par Picasso. Thème traditionnel pour un traitement non conventionnel. Le dessin devient ici une métaphore et une manière de réduire, de choisir la TRACE que produit/laisse une chose, une personne, un lieu, une information sur le corps et la mémoire, sur l'artiste, l'artiste comme spectateur.






C'est bien sur le film, pseudo documentaire de type Arte/Metropolis, qui donne le ton. Sa bande sonore (le piano très noble et inspiré !) envahie tout l'espace et sonorise ou même on peut dire qu'elle sous-titre le reste des oeuvres, de la visite de l'espace. On y voit le making-of d'un film pellicule (le cliché de LA NOBLESSE de l'art d'aujourd'hui ici moquée !) réalisé sur des étudiants en art, eux-même filmés en train d'étudier et de dessiner les tableaux de maîtres dans un musée historique. Au début, j'ai eu peur, je me demandais pourquoi ce film explicatif était si présent dans l'espace. L'explication et la communication devançant le rapport à l'oeuvre. Rapidement je me suis dit qu'il devait s'agir d'un jeu sur les échelles et la hiérarchie des formats. En voyant les autres oeuvres faites de cartels d'informations ou de si peu de choses, on pouvait donc se confirmer que Gander travaille encore plus cette question de la dissémination de l'oeuvre, de sa dissémination dans l'espace d'expo et dans les supports les plus infimes et infra minces : texte serigraphié collé au mur en toute petite typo, oeuvre-cartel, faux film pédagogique et auto-portrait en artiste, jeu aussi entre oeuvre-boîte et boîtier servant à cacher le lecteur DVD du film. Gander exploite ces omniprésences des intermédiaires et ce rapport indirect à l'art, à l'expérience de l'art, en emboitant des cadres autour de cadres à partir des toiles de maitres vues au musée, à partir d'une source historique et mythologique. Si cela peut apparaître ironique ce n'est surtout pas désenchanté, au contraire, on jubile et l'air de rien, il réalise pour nous ce désir si vif et éternel : observer, regarder les corps (plutot des jeunes filles bien sur), les corps concentrés sur d'autres choses, voir l'autre pénétré par autre chose que soi-même. La beauté du triangle qui ouvre sur l'infini des relations-connexions sociales.









Plus tard, j'apprends que le film pellicule n'existe pas et que Gander propose ici un vrai statement sur la distance et la circulation de l'information. Une perception de deuxième main, de troisème ou quatrième main est toujours porteuse de poésie, d'information et d'art ! Il peut y avoir perte et dégradation de l'objet, mais chaque support amène avec lui du jeu et des bifurcations possibles, de la matière nouvelle. Par exemple, on peut lire un descriptif d'un document lui-même descriptif d'un objet synthétisant autre chose (dans ces listes murales : un exemple : "A sheet of A4 domestic paper printed on a domestic laser printer, containing confirmation of an Internet order for a cigar humidor ordered from Siglo Accessories, an American manufacturer of luxury goods".). Gander expose et compose de l'HYPERLIEN, démontrant par sa pratique une forme d'opérations informatiques, de traitement de l'information. L'information étant une façon neutre et faussement distante d'APLATIR sur un même plan personnes, vidéo sur le net, souvenir, expérience, croquis, photo, sculpture, installation, ami, anecdote, projet, communication, document pédagogique, outil de travail ...



Cette façon de faire évidemment me plait énormément, je m'y retrouve totalement et sens ici une complicité intuitive avec lui qui donne me de la force pour mon travail (et ce blog).







Mais donc aussi jeu de dessin et de traces : listes écrites, oui, cadre suspendus (sur un mobile) découpant des pints de vue et des cadrages possible sur d'autres choses, présentes ou pas encore, trace évanescente de la présence du spectateur qui quitte la galerie et déclenche une machine à fumée, traces de mélodies (sous forme de batons noirs de xylophone). La leçon de dessin de Gander (via sa voix-off entendu dans l'espace) c'est celle de la transmission, qu'il déclare toujours possible, celle d'un artiste qui transmet des infos, des clés (un porte clés est exposé), des liens et montre comment les faire. L'antidote parfaite à la manie des listes, de la collection objective et bien rangée, de la base de données institutionnelle et l'appel à la subjectivité informatique.






Des oeuvres au fond très légères et facilement réalisables (un art de crise) anti monumentale et bizarrement marketable (à voir comme son entrée à la Lisson gallery va faire changer ou pas les choses), des oeuvres à refaire soi-même pratiquement, des objets chargés de méta données. C'est assez beau de réaliser que l'art le plus lié à l'informatique et au Net, à la vitesse de pensée et de traitement de l'information, au crépitement neuronale, l'art du XXI eme siècle se trouve être ce modeste personnage et ses oeuvres si peu hi-tech.






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