L’artiste fait d’une potentielle vexation (première expo perso dans les réserves de la galerie) un statement d’une rigueur et d’une malice rare. Attendu au tournant après avoir écumer tous les lieux et expos collectives « qui comptent » ces dernières années, il propose une réflexion en acte, lucide, sur sa propre valeur marchande, sa place dans cette galerie, dans ce lieu et sur ce mur et à ce moment-là de notre époque et pays et de sa vie à lui je suppose. Il affronte le mur, quoi mettre sur un mur, sur ce mur, à quelle taille, de quel format, dans quel médium, pourquoi et comment... Comment justement : sans discours, ni référence ni connivence culturelle, ni mots de passes pour se mettre l’intelligence du spectateur dans la poche : au contraire, il expose la force énigmatique de formes, nues, muettes, colorées, spatiales, complexes, varies et nettes. Manuelles ET informatiques, picturales ET processuelles. Pas d’esquive : une expérience est proposée au spectateur : avancer, longer ce mur, choisir son point d’entrée, aléatoire, au feeling, regarder à l’échelle que l’on veut (des impressions A4) ou une fresque projective qui s’étire à l’infini. L’art de montrer que le travail ne fait que croiser un support physique et marchandisable, qu’il continue bien au-delà, qu’une œuvre est juste une coordonnée topographique (x, y) où se dépose quelque chose qui bouge et se transforme en continue : aucune tentation conceptuelle, souvent prétexte à fénéanter et à abandonner l’exigence des formes. J’ai été interloqué comme rarement dans une expo, perdu, muet et donc ultra stimulé et richement récompensé. Il s’agisait de faire l’expérience de l’œuvre tout bêtement. Ca ne se voit sans doute pas sur les images, mais cette expo ne ressemble à rien de connu, précisément.
Any Ever, Ryan Trecartin & Lizzie Fitch au Musée d’art moderne de la ville de Paris
Dominique Figarella & Sarah Tritz à Lieu commun, Toulouse
Une rencontre inattendue organisée par Manuel Pomar qui dirige Lieu Commun à Toulouse : un imaginaire pictural, où d’innombrables liens, traits de couleurs, reflets de surfaces, échelles multiples, emboitements à distance, échos de figures, zooms imaginaires, le tout dans ce cadre hyper panoramique au plafond bas. Cadres et épaisseurs verticales ET horizontales, basculées, grouillements de pigments et coulées coagulées, se répondent dans une image globale hyper physique et corporelle mais lyrique et aérée, accueillante. On a rarement l’occasion de voir une exposition aussi dense et généreuse en formes, figures et gestes, complexes, opaques mais clairement visibles. qui donne mais qui ne s’épuise pas. Une exposition sans programme ni thème ni discours ni sujet ni référence où je ne sais quoi de pertinent sur le monde ou l’intelligence des artistes. Juste la prise de risque d’accepter les formes, d’agir pour les faire et les montrer, de dire que vivre c’est être le corps trempé dans tout ça, que vivre une vie, unique, qui n’a jamais exister auparavant, produit donc logiquement des formes inédites, post-modernes oui, mais pas cyniques. En voir plus ici.
Vue in extremis, espace immense, force de peintures, humblement simplement peintures qui réussissent à irradier et à emplir l’espace sans étouffer ni saturer, ni fatiguer le spectateur. On peut rester très très longtemps devant chaque toile sans s‘ennuyer (qui fait des oeuvres qui prennent du temps à voir actuellement ?) : un trait qui se continue d’une toile à l’autre, des jeux de processus stratifiés et spatialisés, des toiles basculées, pivotées pour l’accrochage, des citations, du geste, de la couleur, toujours de la présence, de la joie de faire. Un classique contemporain. Voir le post dédié.
Nice to be dead, Henri Barande, proposition de Eric Corne à l’ENSBA, Paris
Découverte d’un peintre hors circuit classique contemporain, Henri Barande, la soixantaine, qui a fait fortune et peint pour l'amour de l'art, qui a exposé 20 toiles immenses, œuvres autonomes installées ici spécifiquement en diptyques, triptyques, dans 3 salles : des zooms intenses, des trames folles, des figures précises, une force mythologique qui se dévoile progressivement, une vision intense, mais pop/lisse, une célébration de notre capacité à VOIR et à faire du montage, à voir ENTRE les oeuvres. Une expo haute tenue (l’impression tout à coup d’être en Suisse, ou en Allemagne), juste de l’art, pas de blabla. Peut être un brin trop clean/clinique.
Impulse Strategies, Mike Bouchet chez les Vallois, Paris
De superbes peintures réalistes de détails enflés de notre monde, des assemblages de poils et de métal, une vidéo centrale étonnamment bien installée, de la moquette marron sur les murs et un ensemble hyper actifs en liens formels et déploiement imaginaire. Et de l’humour. Il a un coté petit malin mais généreux et suffisament précis dans son étrangeté. Envie de voir ça plus souvent.
Joëlle Tuerlinckx , Geologie einer Arbeit. New and Old Paper-Assemblage in einer Kurzen Orangen Retrospektive, Galerie Nagel Berlin
Première expo dans sa nouvelle galerie, l’artiste belge trop peu vue en France, joue avec la vitrine, tapisse l’espace d’une image de briques tramées sur papier orange fluo. Travaux en cours. Il y a à voir dans tous les axes de l’espace (surtout au sol, pour mon grand plaisir), à toutes les échelles, beaucoup d’humour et de gestes différents, un régal. Seul bémol, le mur de photocopies de documents/encyclopédies noir et blancs : le cliché de notre art de ces dernières années… Voir le post avec mes images ici.
Stranger by Green, Yann Gerstberger à 40 m3, Rennes
Un passage rapide à Rennes, le plaisir des assemblages d’objets trouvés, de la couleur, de multiples trouvailles formelles, d’un appétit des formes du monde (digéré selon un imaginaire de l’art folklorique extra occidental, pop tiers-mondiste), un univers très Rachel Harrison/Sarah Tritz, comme David Douard aussi. Des formes abstraites, des figures, des objets et des surfaces, de la lumière et des couleurs, plaisir de la main et de l’œil à dialoguer, plein d’idées dans chaque œuvre, ce qui nous change de ces artistes qui n’ont une seule idée par carrière. Seul hic, ce titre en anglais …
Une expo schizo : d’un coté, une mise en scène sophistiquée et hantée de l’image et du spectaculaire avec la projection autour de l’œil de Rufus Wainwright, de l’autre, la première salle aux murs saturés de photographies superbes, un homme vie dans et avec les formes au quotidien et le montre : ce qui se répond entre les deux : l’image du caméléon/ du serpent, le corps à écailles qui mute sans cesse, jouissif... Intéressant aussi de voir quelqu'un de sa génération se tourner vers un art plus humble et classique et moins dans le coup de force théorique.
Ses vidéos installées, ces jeux d’écrans, d’images architecturées et texturées m’ont réjoui et fait sentir moins seul, avec ses échos à ma Danaé.
Milieux fossiles, Julien Pastor & Marie Preston à la Galerie époque(s)
Une expo entre amis et merveilles de la rencontre entre les deux artistes ET le lieu : une galerie d’antiquités modernes : des œuvres mêlées aux objets en vente à ce moment là, un rève de collectionneur : regard exacerbé qui met en valeur l’espace, les œuvres et le fond : un rapport aux formes enfouies, à la crystallisation, aux bijoux géologiques, à l’anthropomorphisme …
Le tombeau d'Archimède, Raphaël Zarka au grand café à Saint Nazaire
Electricité des formes aux échos et convolutions multiples : physiques, archaïques et ludiques, amusantes : ça grince, ca plie, ça s'emboite, se découpe... pas un tombeau, une renaissance.
et Polyphonies, Paul Klee à la Cité de la musique une scénographie et un thème banals mais des choix et présences d’œuvres extraordinaires, inévitablement)
Le moment fort de l'année pour moi, j'écoute ce titre depuis 6 mois sans arrêt (voir le post) Ce groupe anciennement baptisé Christian AIDS et renommé Stay +/Stay Positive, explore les traces mnésiques et auditives d'une nuit dans un club au son de la rave du début des 90's. Fascinant, méchant, glorieux, hystérique, cataclysmique. Je m'identifie à 100% à cette musique qui réunit tout ce que j'aimais dans les effets sur les voix et réverb chez Slowdive + le son de Underworld, de la techno/trance d'alors.
Un groupe/couple déjà évoqué en 2009 ici même, nouveau titre plus Siouxsie que jamais, mais sous une production pop synthétique spatiale et variée proche du meilleur Depeche Mode..
New Look : the ballad + (koreless remix)
Autre couple pour une balade bluesy qui évoquerait Portishead mais passé au filtre métallique et froid du dubstep (le remix de Koreless), sans rythmes, qui résonne au travers d'espace immenses, intérieurs, intenses. Langoureux et cruel.
Protect U : U-uno Deux garçons de Washington, bidouilleurs très groovy de house classique, cru 86-88, du rétro du meilleur tonneau.
Elbow : the night will always win Le genre de groupe pas sexy, songwriter sérieux, sans images et aux pochettes, clips et look moche ou banal, bref pour les plus de 40 ans, mais une superbe chanson.
Austra : the choke
Une voix tendance (Florence & the Machine, Marina & the diamonds, c'est à dire Siouxsie & the Banshees), un tempo dur de pop synthétique 80s et une mélodie lyrique et glaçante, limite larmoyante. Un classique.
S.C.U.M. : Whitechapel Un nom et un look "cool", de jeunes anglais, reprenant le filon Echo & the Bunnymen/ pop gothique et voix caverneuse, mais avec glamour (réverb) et groove (tendance happy mondays sur ce titre en tout cas). Simple mais ça vous reste dans la tête toute la journée. Le reste est du packaging propre et chic rétro 60s (arty : clip réalisé par des YBA), poses à la Morrissey/Brett Anderson etc... dont il ne restera plus rien bientot, mais qu'importe.
The Sound of Arrows : wonders Un couple gay scandinave, gentillets et lisses, mais de superbes mélodies parfaites pout toute la famille, dans un monde normal et gentil, ce serait numéro 1 : les enfants d'abba, de pet shop boys et d'erasure...
John Maus : believer Un crooner gay lo-fi qui se prend pour un chanteur de dark métal accompagné par OMD, une sorte de Ariel Pink synthétique.
Gauntlet Hair : top bunk
Si Pavement avait écouté Happy Mondays des débuts : psychédélique, tordu, chromatique et viscéral. Un des rares groupes à guitares que je supporte encore.
Phantogram : don't move Groupe moyen (un autre couple encore) et trop suiveur (entre Miike Snow et Vampire Weekend) mais une chanson dont ne ne se lasse pas, alchimie réussie pour moi eentre tempo dance/voix et mélodie à fredonner et production sophistiquée.
Holy Ghost : I wanted to tell her Au départ ça sonne creux et cheap, et ça sent la blague (reprendre un titre obscure du groupe industriel Ministry quand ils faisaient de la pop synthétique, entre Bronski Beat et Scritti Politti) mais tout dans ce bijoux de contrefaçon funk blanc 80's séduit, honteux mais très chic et irrésistible. Pour les fans de DFA , Hercules & Love Affair et Miracles Club.
Grails : I led three lives
Ce qu'il reste pour moi du rock, tendance Spiritualized/Black Sabbath, sombre et lancinant, mais assez vaporeux, ambient et hi-tech (panoramique) pour ne pas être trop beauf, donc vraiment menaçant et ardent.
Memory Tapes : Yes i Know
Déjà présent en 2009 dans ce classement, je suis un grand fan de ce son unique, plat, clinquant et discret, plein de suprises et de bifurcations sans être baroque fatiguant, une ré invention de ce qu'aurait pu devenir New Order : des mélopées aux claviers, à la fois hyper joyeuses (enfantines) et des mots et couleurs mélancoliques très british 80s. Un songwriter solide désormais. et un clip fascinant, très Henry Moore
Future Islands : before the bridge
Comme si Frank Black des Pixies était accompagné par New Order, ou Pere Ubu version dance. Je n'aime que cette chanson d'eux, mais c'est de la pop mainstream/adulte très digne.
Boy friend : lazy hunter
Un groupe parmi tant d'autres, dans la vague actuelle de chansons timides et vaporeuses, du shoegaze synthétique (glo-fi ou chillwave), entre Saint-Etienne, Cocteau Twins et Fieldmice. Bouleversant.
Cold Cave : the great pan is dead Une sorte de powerpop très fin des 80s' (pensons à Jesus Jones ou Carter USM), guitares hyper compressés et synthétiques, chant caverneux, posture de travelo glamour noir (pour JL Verna) et mélodie tubesque, lyrique, euphorique, violente et désabusée...